VEYNE Paul

Paul VeyneChacun se donne la morale conforme à l’orientation de sa volonté de puissance. « Vous n’aurez jamais que la morale qui sied à votre force », dit Nietzsche.
— Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, Albin Michel, 2014, p. 15

Ma mère, fille d’une mercière, était déçue et dédaigneuse : j’avais tué le rêve d’ascension sociale qu’elle avait pour moi et pour elle-même ; au lieu de devenir médecin libéral, je ne serais jamais qu’un fonctionnaire, un petit prof avec les opinions de gauche qu’ils ont tous. Elle ne s’est pas tellement trompée. « Ce qu’il y a, c’est que tu aimes lire, mais que tu n’es pas intelligent », me dit-elle un jour avec dépit. « N’épouse jamais une femme comme ta mère », me dis-je in petto.
— Op. cité p. 16

Alors (à l’entrée à l’ENS de la rue d’Ulm – NDLR) se découvrit à mes yeux la vérité vraie de ce que ma jeunesse venait de traverser, à savoir des événements, quelques uns des plus grands de l’histoire universelle : les conquêtes et massacres de l’épouvantable élucubration nazie, un génocide, l’écrasement du nazisme, les fascismes, la Résistance, la bombe atomique. En août 1945, quand le journal avait titré que le Japon était bombardé avec des bombes atomiques, ce progrès de la science physique et de la puissance de l’homme m’avait rempli de satisfaction. Aujourd’hui, le nom d’Hiroshima me remplit d’horreur et de terreur. J’étais passé du concret aveugle à l’abstraction vraie : je voyais maintenant ce qu’avait signifié la Libération. Désormais, il allait de soi qu’il fallait être « pour la Résistance »
— Op. cité p. 54

La philosophie de Foucault, son scepticisme, son relativisme ont pour point de départ un constat historique : le passé de l’humanité est un gigantesque cimetière de vérités mortes, d’attitudes et de normes changeantes, différentes d’une époque à l’autre, toujours dépassées à l’époque suivante. « La vie a abouti, avec l’homme à un vivant qui est voué à errer et à se tromper sans fin*», sans jamais parvenir à une sienne « vérité »
— Op. cité p. 210 – (*) : Foucault, Dits et écrits, 1954-1988, t. IV, p. 110

A propos de René CHAR :
Ce sanguin lent était un émotif. Il avait, d’un côté, ses remords, ses haines, ses emballements suivis de réactions de rejet, ses pulsions meurtrières parfois, ses faiblesses humaines ; de l’autre, le sentiment étonné et accablé d’une espèce de sacerdoce. Ce qu’il appelait son singulier et son pluriel. Un homme reste un homme, disait-il, et n’est poète que par éclairs, dans une solitude sans témoins.
— Op. cité p. 216

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