MORANTE Elsa

« Moi, grommela-t-il en sueur, je suis un assassin. A la guerre, il y en a qui tuent avec insouciance comme à la chasse, mais moi par contre, chaque fois, j’assassinais. Un jour, j’ai assassiné un Allemand, odieux, répugnant, et tandis qu’il agonisait, je me suis passé la fantaisie de l’achever à coups de pieds, lui piétinant à mort le visage avec mes gros souliers. Alors, précisément quand je faisais cela, la pensée suivante m’a envahi : Un SS en train de massacrer un autre SS. Et cependant, je continuais de le piétiner.»

David eut le sentiment d’être montré du doigt comme un objet d’une écrasante indécence, tel quelqu’un qui étant au confessionnal s’apercevrait tout à coup qu’il vient d’élever la voix et que ses secrets se répercutaient sous les voûtes et à travers les nefs bondées de fidèles.

« Tous, autant que nous sommes, proféra-t-il alors, désespéré, pour sa défense ou son rachat, tous nous avons un SS caché en nous, et un bourgeois et un capitaliste et peut-être aussi un Monsignore, et un Généralissime aussi, plus orné de chamarrures et de crachats qu’à Mardi-Gras, tous autant que nous sommes, bourgeois et prolétaires, et anarchistes et communistes, tous, sans exception. Voilà pourquoi notre lutte est toujours une action avortée, un malentendu, un alibi de fausse révolution pour échapper à la vraie résolution et conserver le réactionnaire qui est en nous. Ne nous induisez pas en tentation signifie : aidez-nous à éliminer le fasciste qui est en nous.»
— La Storia

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