DABADIE Jean-Loup

L’absence

C’est un volet qui bat
C’est une déchirure légère
Sur le drap où naguère
Tu as posé ton bras
Cependant qu’en bas
La rue parle toute seule
Quelqu’un vend des mandarines
Une dame bleu-marine
Promène sa filleule
L’absence, la voilà

L’absence
D’un enfant, d’un amour
L’absence est la même
Quand on a dit je t’aime
Un jour
Le silence est le même

C’est une nuit qui tombe
C’est une poésie aussi
Où passaient les colombes
Un soir de jalousie
Un livre est ouvert
Tu as touché cette page
Tu avais fêlé ce verre
Au retour d’un grand voyage
Il reste les bagages
L’absence, la voilà

L’absence
D’un enfant, d’un amour
L’absence est la même
Quand on a dit je t’aime
Un jour
Le silence est le même

C’est un volet qui bat
C’est sur un agenda, la croix
D’un ancien rendez-vous
Où l’on se disait vous
Les vases sont vides
Où l’on mettait les bouquets
Et le miroir prend des rides
Où le passé fait le guet
J’entends le bruit d’un pas
L’absence, la voilà

L’absence
D’un enfant, d’un amour
L’absence est la même
Quand on a dit je t’aime
Un jour
Le silence est le même

— Musique de Jacques Datin, chanson interprétée par Serge Reggiani, Jane Birkin, Isabelle Boulay

Le petit garçon

Ce soir mon petit garçon, mon enfant, mon amour
Il pleut sur la maison, mon garçon, mon amour
Comme tu lui ressembles
On reste tous les deux
On va bien jouer ensemble
On est là tous les deux, seuls

Ce soir elle ne rentre pas, je n’sais plus, je n’sais pas
Elle écrira demain peut-être, nous aurons une lettre
Il pleut sur le jardin
Je vais faire du feu
Je n’ai pas de chagrin
On est là tous les deux, seuls

Attends, je sais des histoires
Il était une fois
Il pleut dans ma mémoire
Je crois, ne pleure pas
Attends, je sais des histoires
Mais il fait un peu froid ce soir
Une histoire de gens qui s’aiment
Une histoire de gens qui s’aiment
Tu vas voir
Ne t’en va pas
Ne me laisse pas

Je ne sais plus faire de feu mon enfant, mon amour
Je ne peux plus grand-chose, mon garçon, mon amour
Comme tu lui ressembles
On est là tous les deux
Perdus parmi les choses
Dans cette grande chambre, seuls
On va jouer à la guerre et tu t’endormiras
Ce soir elle ne s’ra pas là, je n’sais plus, je n’sais pas
Je n’aime pas l’hiver
Il n’y a plus de feu
Il n’y a plus rien à faire
Qu’à jouer tous les deux, seuls

Attends, je sais des histoires
Il était une fois
Je n’ai plus de mémoire
Je crois, ne pleure pas,
Attends, je sais des histoires
Mais il est un peu tard ce soir
L’histoire de gens qui s’aimèrent
Et qui jouèrent à la guerre
Écoute-moi
Elle n’est plus là
Non; ne pleure pas.

— Musique de Jacques Datin, chanson interprétée par Serge Reggiani, Isabelle Boulay

Les mensonges d’un père à son fils

Le temps, petit Simon,
Où tu m’arrivais à la taille
Ça me semble encore tout à l’heure
Mais déjà, tu m’arrives au cœur
Pour toi commence la bataille

Le temps, petit Simon,
Que je te fasse un peu l’école
Me semble venir aujourd’hui
Redonne-moi de cet alcool
Que je te parle de la vie

Tu verras
Les amis ne meurent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les femmes ne s’en vont pas
Tu verras
On rit bien sur la Terre
Malborough ne s’en va plus en guerre
Il a fait la dernière
Tu verras

Et puis, petit Simon,
Chez nous, personne ne vieillit
Nous sommes là et ne crois pas
Que nous partirons d’aujourd’hui
Pour habiter dans autrefois

L’amour, c’est tous les jours
Qu’on le rencontre dans la vie
Et rien ne passe et rien ne casse
Redonne-moi de l’eau-de-vie
A peine, à peine, voilà, merci

Tu verras
Les amis ne meurent pas
Les enfants ne vous quittent pas
Les femmes ne s’en vont pas
Tu verras
On rit bien sur la terre
Malborough ne s’en va plus en guerre
Il a fait la dernière
Tu verras

Les femmes infidèles
On les voit dans les aquarelles
Elles vous querellent sous les ombrelles
Dans la vie, ce ne sont pas les mêmes
Elles nous aiment, elles nous aiment

Un homme, petit Simon,
Ce n’est jamais comme un navire
Qu’on abandonne quand il chavire
Et tout le monde quitte le bord
Les femmes et les enfants d’abord

Tu verras
Les maisons ne meurent pas
Les idées ne vous quittent pas
Le cœur ne s’en va pas
Tu verras
Tu vas suivre en beauté
Les chemins de la liberté
Tu vivras tu verras
Comme moi

Le temps, petit Simon,
Où tu m’arrivais à la taille
Ça me semble encore tout à l’heure
Mais déjà, tu m’arrives au cœur
Pour toi commence la bataille
Alors, petit garçon,
Moi qui t’aimais, toi qui m’aimais
Souviens-toi que ton père avait
Une sainte horreur du mensonge
Une sainte horreur du mensonge.

— Musique de Jacques Datin, chanson interprétée par Serge Reggiani, Isabelle Boulay