La réalité n’existe pas en tant que concept indépendant de son image ou de la théorie qui la représente.
[In : «Y a-t-il un Grand Architecte de l’Univers ?» – Stephen Hawking et Léonard Mlodinov – Odile Jacob 2011 – p. 54]
Dans le réalisme modèle-dépendant, la question de la réalité d’un modèle ne se pose pas, seul compte son accord avec l’observation Si deux modèles différents concordent en tous points avec les observations qu’on a faites, comme c’est le cas entre nous et le poisson rouge, alors, il est impossible d’en déclarer un plus réel que l’autre.
[Ibid. p.57]
Un modèle est de qualité s’il satisfait les critères suivants :
1. Etre élégant.
2. Ne contenir que peu d’éléments arbitraires ou ajustables.
3. S’accorder avec et expliquer toutes les observations existantes.
4. Pouvoir prédire de façon détaillée des observations à venir, qui à leur tour permettront d’infirmer ou de disqualifier le modèle si elles ne sont pas vérifiées.
[Ibid. p.64]
Le quatrième critère est important car les scientifiques sont toujours impressionnés quand des prédictions novatrices et inattendues se révèlent exactes. Plus étonnant, même dans le cas contraire, il n’est pas rare de remettre en cause l’expérience plutôt que le modèle. En dernier recours, la répugnance à abandonner un modèle peut être telle qu’on préfère le sauver quitte à le modifier de façon substantielle. Finalement, s’ils sont capables d’une rare ténacité afin de sauver une théorie qu’ils admirent, l’ardeur des physiciens faiblit cependant à mesure que les altérations deviennent de plus en plus artificielles ou pénibles, autrement dit «inélégantes»
[Ibid. p.66]
Le concept de particule est (…) naturel pour qui observe des rochers, des cailloux ou du sable. Mais la dualité onde/particule — l’idée qu’un objet puisse être décrit à la fois comme particule ou comme onde — est aussi étrangère à notre sens commun que l’idée de boire un morceau de grès.
Les dualités de ce type — des situations dans lesquelles deux réalités très différentes peuvent rendre compte avec précision du même phénomène — conviennent parfaitement au réalisme modèle-dépendant. Chaque théorie peut décrire et expliquer certaines propriétés mas aucune ne peut prétendre être meilleure ou plus réelle que l’autre. Appliqué aux lois qui régissent l’Univers, ce principe devient : il ne semble pas exister de modèle mathématique ou de théorie unique capable de décrire chaque partie de l’Univers. (…) A cette théorie unique se substitue un réseau entier de théories baptisé M-Théorie. Chaque théorie de ce réseau permet de décrire une certaine gamme de phénomènes. Dans les cas où ces gammes se recouvrent, les théories concordent, ce qui permet de considérer qu’elles forment ensemble un tout cohérent. Mais aucune théorie du réseau ne peut prétendre à elle seule chaque aspect de l’Univers.
[Ibid. p.71-72]
Aussi étrange que cela puisse paraître, il arrive très souvent en science qu’un assemblage important se comporte très différemment de ses composants individuels. Ainsi, les réponses d’un neurone unique ne ressemblent en rien à celles du cerveau humain; de même, connaître le comportement d’une molécule d’eau ne vous dira pas grand chose de celui d’un lac entier. Et si les physiciens s’évertuent encore à comprendre comment les lois de Newton peuvent émerger du monde quantique, nos savons en revanche que les constituants élémentaires obéissent aux lois de la physique quantique tandis que la physique newtonienne est une très bonne approximation des comportements et objets macroscopiques.
[Ibid – p. 83]
Un autre pilier de la physique quantique est le principe d’incertitude, formulé par Werner Heisenberg en 1926. Ce principe stipule qu’il y a des limites à notre capacité à déterminer de façon simultanée certaines quantités comme la position et la vitesse d’une particule. Ainsi, d’après le principe d’incertitude, si vous multipliez l’incertitude sur la position d’une particule par l’incertitude sur sa quantité de mouvement (son impulsion), le résultat obtenu ne peut jamais être inférieur à une certaine quantité fixée appelée constante de Planck.
[Ibid – p. 86]
En physique quantique, peu importe la quantité d’informations obtenues ou de votre capacité de calcul, les issues des processus physiques ne peuvent être prédites avec certitude car elles ne sont pas déterminées avec certitude. Au lieu de cela, à partir d’un état initial donné, la nature détermine l’état futur d’un système via un processus fondamentalement aléatoire. En d’autres termes, la nature ne dicte pas l’issue d’un processus ou d’un expérience, même dans la plus simple des situations, mais elle autorise un certain nombre de choix possibles, chacun ayant une probabilité de se produire. Tout se passe comme si, pour paraphraser Einstein, Dieu jouait aux dés avant de décider du résultat de tout processus physique.
[Ibid – p. 88]
Il se peut que l’espoir constant des physiciens d’une théorie unique de la nature soit vain, qu’il n’existe aucune formulation unique et que, pour décrire l’Univers, nous devions employer différentes théories dans différentes situations. Chaque théorie aurait ainsi sa propre version de la réalité, ce qui est, dans le réalisme modèle-dépendant, acceptable tant que les prédictions des théories concordent lorsque deux domaines de validité se recouvrent, c’est-à-dire quand on veut les appliquer simultanément.
[Ibid – p. 144-145]
Il est écrit dans l’Ancien Testament que Dieu a attendu le sixième jour de la Genèse pour créer Adam et Eve. L’évêque Ussher, primat d’Irlande de 1625 à 1656, a établi quant à lui l’origine du monde avec encore plus de précision : 9 heures du matin le 27 octobre 4004 av. J-C.
[Ibid – p. 152]
Dans le réalisme modèle-dépendant, (…) nos cerveaux interprètent les signaux provenant de nos organes sensoriels en construisant un modèle du monde extérieur. Nous formons des représentations mentales de nos maisons, des arbres, des autres, de l’électricité qui sort de la prise, des atomes, des molécules et des autres univers. Ces représentations mentales sont la seule réalité connue de nous. Or il n’existe aucun test de la réalité qui soit indépendant du modèle. Par conséquent, un modèle bien construit crée sa réalité propre.
[Ibid – p. 1x]
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