[1925-1961]
Franz Fanon est né à Fort-de-France le 20 juillet 1925. Médecin psychiatre, écrivain, combattant anti-colonialiste, Franz Fanon a marqué le XXe siècle par sa pensée et son action, en dépit d’une vie brève frappée par la maladie.
Franz Fanon fit ses études supérieures à la faculté de médecine de Lyon et fut nommé, en 1953, Médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Blida. Il avait déjà publié, en 1952, « Peaux noires, masques blancs ». En 1956, deux ans après le déclenchement de la guerre de libération nationale en Algérie, Franz Fanon choisit son camp, celui des colonisés et des peuples opprimés. Il remet sa démission de son poste à l’hôpital et rejoint le Front de Libération Nationale (FLN) en Algérie.
Il eut d’importantes responsabilités au sein du FLN. Membre de la rédaction de son organe central, « El Moudjahid », il fut chargé de mission auprès de plusieurs états d’Afrique noire puis ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) au Ghana. Il échappa à plusieurs attentats au Maroc et en Italie. Jusqu’à sa mort, Franz Fanon s’est donné sans limites à la cause des peuples opprimés.
Il s’éteint à Washington le 6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans, des suites d’une leucémie et est inhumé au cimetière des Chouhadas de Tunis.
«C’est mon professeur de philosophie, d’origine antillaise, qui me le rappelait un jour : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » Et je pensais qu’il avait raison universellement, entendant par là que j’étais responsable, dans mon corps et dans mon âme, du sort réservé à mon frère. Depuis lors, j’ai compris qu’il voulait simplement dire : un antisémite est forcément négrophobe.»
[In : Peau noire, masque blanc – Seuil 1952]
« La violence qui a présidé à l’arrangement du monde colonial, qui a rythmé inlassablement la destruction des formes sociales indigènes, démoli sans restrictions les systèmes de références de l’économie, les modes d’apparence, d’habillement, sera revendiquée et assumée par le colonisé au moment où, décidant d’être l’histoire en actes, la masse colonisée s’engouffrera dans les villes interdites. »
[In : « Les damnés de la terre » – La découverte 2002]
Le nègre n’est pas, pas plus que le blanc :
« N’ai-je donc pas sur cette terre autre chose à faire qu’à venger les Noirs du XVIIe siècle ? demande Fanon. […] Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de rechercher en quoi ma race est supérieure ou inférieure à une autre race. Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. […] Je n’ai pas le droit de me laisser ancrer. […] Je n’ai pas le droit de me laisser engluer par les déterminations du passé. Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères. […] Il ne faut pas essayer de fixer l’homme, puisque son destin est d’être lâché. […] Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose : Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve. Le nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc. »
DOIS-JE SUR CETTE TERRE, QUI DÉJÀ TENTE DE SE DÉROBER, ME POSER LE PROBLÈME DE LA VÉRITÉ NOIRE ?
DOIS-JE ME CONFINER DANS LA JUSTIFICATION D’UN ANGLE FACIAL ?
JE N’AI PAS LE DROIT, MOI HOMME DE COULEUR, DE RECHERCHER EN QUOI MA RACE EST SUPÉRIEURE OU INFÉRIEURE A UNE AUTRE RACE.
JE N’AI PAS LE DROIT, MOI HOMME DE COULEUR, DE ME SOUHAITER LA CRISTALLISATION CHEZ LE BLANC D’UNE CULPABILITÉ ENVERS LE PASSÉ DE MA RACE.
JE N’AI PAS LE DROIT, MOI HOMME DE COULEUR, DE ME PRÉOCCUPER DES MOYENS QUI ME PERMETTRAIENT DE PIÉTINER LA FIERTÉ DE L’ANCIEN MAÎTRE.
JE N’AI PAS LE DROIT NI LE DEVOIR D’EXIGER RÉPARATION POUR MES ANCÊTRES DOMESTIQUES.
IL N’Y A PAS DE MISSION NÈGRE ; IL N’Y A PAS DE FARDEAU BLANC.
JE ME DÉCOUVRE UN JOUR DANS UN MONDE OÙ LES CHOSES FONT MAL ; UN MONDE OÙ L’ON ME RÉCLAME DE ME BATTRE; UN MONDE OÙ IL EST TOUJOURS QUESTION D’ANÉANTISSEMENT OU DE VICTOIRE.
JE ME DÉCOUVRE, MOI HOMME, DANS UN MONDE OÙ L’AUTRE, INTERMINABLEMENT, SE DURCIT.
NON, JE N’AI PAS LE DROIT DE VENIR ET DE CRIER MA HAINE AU BLANC.
JE N’AI PAS LE DEVOIR DE MURMURER MA RECONNAISSANCE AU BLANC.
IL Y A MA VIE PRISE AU LASSO DE L’EXISTENCE. IL Y A MA LIBERTÉ QUI ME RENVOIE A MOI-MÊME. NON, JE N’AI PAS LE DROIT D’ ÊTRE UN NOIR.
UN SEUL DEVOIR. CELUI DE NE PAS RENIER MA LIBERTÉ AU TRAVERS DE MES CHOIX.