BUZYN Elie

Je suis né dans une famille extrêmement aimante et prévenante, chacun de ses membres l’étant à sa manière, et j’ai pu recevoir ce que je qualifierais de « dons » de la part de mes parents, de mon frère, de ma sœur, de mes grands-parents. Des dons très enrichissants, qui leur étaient propres à chacun, car ils étaient très différents, et qui m’ont marqué pour la vie.
Ma mère tenait absolument à m’inculquer la notion d’attention à l’autre. Elle me répétait que tous les êtres humains sont égaux et que l’important est d’être à l’écoute des besoins de chacun et d’apporter notre aide, lorsque c’est possible. C’est un enseignement qu’elle m’a transmis dès l’âge de 3 ou 4 ans, à travers des mots et des actes, des détails auxquels elle faisait en sorte que je prenne garde, ou encore par des missions qu’elle me confiait.
Par exemple, dès que j’ai été scolarisé et que j’ai su compter, elle m’a chargé, tous les vendredis – nous n’allions pas à l’école l’après-midi – de me tenir sur le seuil de notre maison et de recevoir les représentants des groupes de mendiants à qui nous faisions l’aumône la veille du shabbat. Je devais leur demander combien de personnes les accompagnaient, pour leur donner le nombre de pièces correspondantes : s’ils étaient dix, alors je donnais dix pièces.
Je prenais ma fonction très au sérieux, si bien que j’ai fini par m’apercevoir que certains d’entre eux trichaient et revenaient demander l’argent qu’ils avaient déjà touché. Très fier d’avoir découvert la supercherie, j’ai alerté ma mère. À ma grande surprise, au lieu de me féliciter, elle m’a grondé avant de m’expliquer que mon rôle consistait seulement à donner. Et à le faire même si je savais que les mendiants avaient déjà reçu une pièce de ma part. « S’ils ont reçu trois pièces au lieu d’une, ce n’est déjà pas beaucoup et ce n’est pas grave : tu donnes. » Cela m’a marqué pour la vie. J’ai compris que l’important était de donner sans compter, et c’est ce que j’ai enseigné à mes enfants et petits-enfants. (…) Plus tard, quand ils ont été en âge de comprendre, je leur ai expliqué qu’il était possible que, parmi ces pauvres gens, certains n’avaient pas besoin de ces pièces, qu’il pouvait y avoir des « fraudeurs ». Mais aussi que ça n’avait aucune importance. Je leur disais : «  Tu peux te tromper. Tu peux donner à quelqu’un qui ne le mérite pas, ce n’est pas grave. Mais si, parmi les dix personnes à qui tu donnes, il s’en trouve une qui a vraiment besoin de cette pièce, cela vaut la peine de te faire escroquer par les neuf autres ».

– Ce que je voudrais transmettre, Lettre aux jeunes générations – Ed° Alisio – Témoignages et documents, p. 18

Les humains vivent leur histoire, et Dieu, s’il rexiste, s’occupe d’autre chose. Je ne sais pas de quoi, mais d’autre chose… Finalement, j’envie les gens qui sont  croyants, car, lorsqu’ils rencontrent des problèmes, ils peuvent se dire qu’ils n’y sont pour rien et que c’est Lui qui l’a voulu, indépendamment de leur volonté. C’est un avantage certain de pouvoir croire ainsi en une puissance extrahumaine, quasi extraterrestre… « La foi ne se prouve pas, elle s’éprouve ». Dans la foi il n’y a pas  de logique, juste une réponse. En ce qui me concerne, je ne peux pas y souscrire.

– Op; Cit. p. 70